Collection D'Arnell-Andréa - The Bower Of Despair (2004)
Pourquoi écouter ce disque ?
Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir... Après un Tristesse Des Mânes en 2002 aux sonorités acoustiques et romantiques, Collection D'Arnell-Andréa opère un revirement à 180 degrès avec The Bower Of Despair aux guitares saturées et atmosphères funestes. Jamais le label Prikosnovénie n'avait publié un tel disque, entre cold wave et gothique, digne successeur des cultissimes Unknown Pleasures (Joy Division), Juju (Siouxsie & The Banshees), Garlands (Cocteau Twins), Pornography (The Cure), Burning From The Inside (Bauhaus) et First And Last And Always (The Sisters Of Mercy). Telle une pythie en transe, Chloé St Liphard déclame d'obscurs textes poétiques en anglais, secondée par des chœurs sépulcraux, aux rythmes d'une batterie tribale. De six, le groupe est passé à sept membres suite à l'arrivée du guitariste Vincent Magnien. Nombre idéal pour un septième album dont la thématique explore le ressenti d'une personne en fin de vie, confrontée à ses souvenirs passés et à la mort toute proche. Noir c'est noir, il n'y a vraiment plus d'espoir...
En une décennie d'existence, Millenium s'est fait un nom sur la scène progressive. Les albums successifs de cette formation polonaise originale ont agréablement surpris avec sa musique évoquant tant Pink Floyd que Marillion. Mais, jusqu'alors, il manquait encore un petit quelque chose pour la hisser à un niveau supérieur. C'est chose faite avec Exist. Pour ce nouveau projet, Ryszard Kramarski, son leader et claviériste, a imaginé quatre compositions, toutes comprises entre onze et seize minutes, évoquant les principaux moments de la vie, de la naissance à la vieillesse, en passant par l'enfance, les premiers amours, le mariage, la famille et le travail. Le groupe, désormais stabilisé autour de Ryszard, Łukasz Gall (chant), Piotr Płonka (guitares), Krzysztof Wyrwa (basse) et Tomasz Paśko (batterie), apparaît uni et se diriger dans la même direction. Si les longs soli inspirés de Piotr évoquent toujours les maîtres Gilmour et Latimer, Wyrwa utilise une warr guitar, instrument diabolique, proche du Chapman Stick, apportant une dimension supplémentaire aux morceaux, comme sur le final de Up & Down. Tony Levin en a également joué sur certains titres de Peter Gabriel. Quant à Gall, il atteint des sommets, en particulier sur un Road To Infinity poignant, où sa voix déploie toute sa palette dramatique aux côtés d'un Paśko déchaîné. Frissons garantis.
Boann - The Twa Sisters - De Två Systrarna:
An Old Celtic & Nordic Tale (2020)
Pourquoi écouter ce disque ?
Connaissez-vous l'histoire de ces deux sœurs au destin tragique, toutes deux amoureuses d'un même chevalier ? Impossible de déterminer l'origine exacte de cette légende, présente tant dans la culture anglo-écossaise que dans la tradition scandinave et est-européenne (Pologne, Hongrie, Slovénie). Fondé en 2005 avec pour ambition de mêler musiques celtiques et nordiques, Boann, dont le nom fait référence à une divinité féminine celte, propose tout un album consacré à cette longue ballade. Le groupe comprenait à ses origines Jean-Luc Lenoir, Éléonore Billy, Gaëdic Chambrier et Céline Archambeau. Aujourd'hui, cette dernière a cédé sa place à Joanne McIver connue pour son travail avec le harpiste Christophe Saunière que l'on retrouve ici. Un premier album sorti en 2008 nous avait enchanté. Puis, les musiciens ont chacun suivi leur chemin, jamais bien éloigné les uns des autres. Éléonore et Gaëdic ont joué ensemble au sein de Drakkan puis d'Octantrion. Jean-Luc est à l'origine du splendide Old Celtic & Nordic Ballads publié chez Prikosnovénie en 2012, sur lequel on entend Joanne, Céline et Éléonore. Dans ma chronique, j'avais qualifié cette œuvre d'"une des plus belles qu'il m'ait été donné d'écouter". Une suite lui a été donné en 2015, Old Celtic & Nordic Lullabies. The Twa Sisters - De Två Systrarna: An Old Celtic & Nordic Tale s'inscrit dans cette continuité. L'ensemble est d'une précision et beauté sans commune mesure. Toute une "horde" d'instruments anciens, aux noms parfois imprononçables, donne vie à cette histoire contée en anglais par Joanne, avec des passages chantés en suédois par Eskelina Svanstein, lui apportant ainsi toute son originalité. En 2020, loin des circuits commerciaux, il est heureux de constater que les artisans d'une musique authentique poursuivent leur activité malgré les difficultés. Pour les encourager, rien de plus facile. Il suffit juste d'aller à leur rencontre, de pousser la porte de leur atelier et de se perdre dans leur univers enivrant, à la fois magique et pur.
Pour leur sixième album sous le nom de Blackmore's Night, Candice Night et Richie Blackmore se sont fait plaisir. Dans la continuité de leur folk-rock original aux couleurs médiévales, ils ont enregistrés une dizaine de chants de Noël. Blackmore s'est dit inspiré par ces airs anciens datant des années 1400, 1500 et 1600. Dans la tradition britannique, les "carols" sont des chansons festives, souvent religieuses, liées au culte de l'église, accompagnées d'une danse. Ce mot provient du français "carole", danse en cercle avec des chanteurs, dérivé du latin "choraula". Si l'ensemble peut paraître d'une douce naïveté, la guitare de Richie enchante littéralement certains moments de grâce (on pense à Wish You Where Here, reprise d'un groupe suédois... pas Pink Floyd), tout comme le chant de Candice faisant des merveilles sur Ding Dong Merrily On High, Emmanuel, ou, à nouveau, Wish You Where Here. La pochette du disque, une peinture de l'artiste Karsten Topelmann, représente une rue de Rothenburg ob der Tauber, cité médiévale située en Bavière. La même vue avait été utilisée pour l'album Under A Violet Moon (1999), mais dans un esprit estival. A noter que Winter Carols a été réédité en 2013 puis à nouveau en 2017 avec de nouvelles pochettes et des bonus.
Musiciens
Candice Night : chant, flûte, bombarde
Richie Blackmore : guitares
Earl Grey : guitare, basse
Bard David : claviers
Troubadour of Aberdeen : percussions
Scarlet Fiddler : violon
Sarah The Wench : chant
Titres
01. Hark The Herald Angels Sing / Come All Ye Faithful
Vous êtes bloqués chez vous ? Pas de problème, cet album de Caprice vous ouvrira les portes vers une ailleurs féerique peuplé d'êtres fantastiques. Entrez dans la ronde mystique des elfes, lutins et farfadets. Dans la droite lignée de Girdenwodan Part 1, l'œuvre la plus ambitieuse à ce jour de cette formation russe atypique en activité depuis 1996, ce deuxième volume joue avec vos sentiments, entre légèreté, amusement et extase. Hautbois, harpe, basson, clarinette, flûte, violon, violoncelle peuplent cette forêt mystérieuse, enjoués par une Inna Brejestovskaya au chant à la fois espiègle et séraphique. C'est avec une malice non dissimulée que le compositeur Anton Brejestovski, l'âme de Caprice, a mis en musique des textes d'auteurs anglo-saxons, d'Oscar Wilde à John Lennon, de Tori Amos à Lord Byron, de Robert Lewis Stevenson à Felicia Dorothea Hemans. Stimulant l'imaginaire, les illustrations de Marc Potts, grand passionné des mythologies nordiques, vous accompagneront tout au long de ce voyage... sans retour.
01. Believe
02. Dingly Dell
03. Again
04. Heart In The Highlands
05. In The Rose's Cup
06. Faithless Sally Brown
07. Enter Sandman
08. Winter Wonderland
09. I Do Not Like That !
10. The True Knowledge
11. Plumpuppets
12. She Walks In Beauty
13. Books
14. We Are All Faeries
Milk Of The Tree:
An Anthology Of Female Vocal Folk And Singer-Songwriters 1966-73
(2017)
Pourquoi écouter ce disque ?
Rock progressif et chanteuses... un mélange peu courant, ni à la naissance du genre à la fin des années 60, ni à son apogée durant la décennie suivante, exception faite de Renaissance et Curved Air. Il n'en est pas de même pour un autre courant musical contemporain, le folk, illuminé par une multitude de voix d'essence divine. Que ce soit aux États-Unis ou de l'autre côté de l'Atlantique, au Royaume-Uni, des femmes prirent la parole ; elles (en)chantèrent le monde. Elles s'appelaient Sandy Denny, Joan Baez, Laura Nyro, Linda Ronstadt, Nico ou Marianne Faithfull pour les plus connues. Leurs groupes ? Pentangle, Trees, Eclection, Spyrogira, Jude, Chimera, Mellow Candle et bien d'autres encore. Elles jouaient leur musique folk teintée de rock, de prog, de psychédélisme dans des clubs, des pubs et sur les campus universitaires. Tout un univers s'ouvrait à elles, porteuses de messages de paix et d'amour, évoquant aussi leurs souffrances dans ce monde d'hommes et ses injustices. A travers l'anthologie incontournable Milk Of The Tree, réunissant 3 CD, 60 titres pour 4 heures de musique, devenez les témoins privilégiés de cette époque faste, où tout a commencé.
Crédits
1.01 Melanie – Do You Believe
1.02 Joan Baez – Blessed Are…
1.03 The Pentangle – Light Flight
1.04 Dana Gillespie – Foolish Seasons
1.05 Judy Roderick – Someone to Talk My Troubles to
1.06 John & Beverley Martyn – Auntie Aviator
1.07 The Serpent Power – Flying Away
1.08 Joan Armatrading – It Could Have Been Better
1.09 Jude – Morning Morgantown
1.10 Mandy More – If Not by Fire
1.11 Laura Nyro – Upstairs by a Chinese Lamp
1.12 Susan Pillsbury – I Thought I Knew the Answers
1.13 Jaki Whitren – Give Her the Day
1.14 Wendy & Bonnie – By the Sea
1.15 Jackie DeShannon – Come and Stay With Me
1.16 Marianne Faithfull – Something Better
1.17 Spirogyra – An Everyday Consumption Song
1.18 Polly Niles – The Milk of the Tree
1.19 Nico – Chelsea Girls
1.20 Mary-Anne – Reverie for Roslyn
2.01 The Stone Poneys – Different Drum
2.02 Eclection – Please (Mk. II)
2.03 Jade – Five of Us
2.04 The Simon Sisters – Who Has Seen the Wind?
2.05 Judee Sill – Jesus Was a Cross Maker
2.06 The Woods Band – January’s Snows
2.07 Trader Horne – In My Loneliness
2.08 Janis Ian – Society’s Child (Baby I’ve Been Thinking)
2.09 Lily and Maria – I Was
2.10 Mellow Candle – Feeling High
2.11 Tomorrow Come Someday – Tomorrow Come Someday
2.12 Julie Covington – My Silks and Fine Array
2.13 Norma Waterson – Red Wine and Promises
2.14 Mr Fox – Mr Fox
2.15 Buffy Sainte-Marie – The Dream Tree
2.16 The Academy – Munching the Candy
2.17 Sandy Denny – Late November
2.18 Hendrickson Road House – Tomorrow Your Sorrow
2.19 Chuck & Mary Perrin – Mornings
2.20 Lesley Duncan – Mr Rubin
3.01 Chimera – Come Into the Garden
3.02 Diane Hildebrand – Early Morning Blues and Greens
3.03 Susan Christie – Rainy Day
3.04 Bridget St John – Autumn Lullaby
3.05 Principal Edwards Magic Theatre – Ballad (Of the Big Girl Now and a Mere Boy)
3.06 Ruthann Friedman – Windy
3.07 Design – The Lonely
3.08 Shelagh McDonald – Mirage
3.09 Mary Hopkin – Aderyn llwyd (Sparrow)
3.10 Vashti Bunyan – Love Song
3.11 Bonnie Dobson – Winter’s Going
3.12 Anne Briggs – Sandman’s Song
3.13 The Bunch – When Will I Be Loved
3.14 Carolanne Pegg – The Lady and the Well
3.15 Margo Guryan – Think of Rain
3.16 Ithaca – Story of Our Time / Beneath This Sky
3.17 Trees – Murdoch
3.18 The Sallyangie – Banquet on the Water
3.19 Emily Muff – Pass the Night
3.20 Mimi Fariña – Morgan the Pirate
Avec A Thousand Cranes, la chanteuse Ciğdem Aslan poursuit son voyage autour de la mer Égée. Si Mortissa, son précédent opus, s'était davantage intéressé au rébétiko des années 20 joué entre Istanbul et Smyrne, cette fois-ci elle survole Athènes, les Balkans et le Sud-Est anatolien pour s'emparer d'airs anciens des années 30 aux années 70. Dans ce périple, Nikolaos Baimpas l'accompagne à la direction musicale, aidé de musiciens internationaux provenant d'horizons divers. En à peine trois jours, ils ont enregistré l'album dans les fameux studios Antart, à Athènes, qui ont vu naître la bande originale du film Zorba le Grec composée par Miki Theodorakis. Cette musique, teintée de nostalgie, mais aussi d'espoir, combine avec habileté tradition ancestrale, influences jazzy modernes et improvisations inspirées. Dans ce carrefour au passé brûlant, se sont mêlés au fil des siècles une multitude de cultures et civilisations (grecque bien sûr, mais aussi, turque, arménienne, juive, slave, arabe, perse, kurde et bien d'autres encore). De cette fusion millénaire, est née toute une symbolique autour de la grue, cet oiseau migrateur qui a donné son nom à l'album ("crane"). S'il tient souvent le rôle du messager dans les poèmes ou chansons, il est aussi synonyme d'exil, incarnant ainsi le voyageur loin de chez lui. Pour beaucoup, la grue transporte les âmes des êtres disparus. A l'instar d'une Oana Cătălina Chițu pour la Roumanie, d'une Bilja Krstić pour la Serbie, ou bien d'une Ruth Keggin pour l'île de Man, Ciğdem Aslan fait partie de cette nouvelle génération enthousiaste refusant que soient enfouis ou perdus à jamais tous ces trésors du passé.
Lorsqu'un cancer lui a été diagnostiqué en 1993, Annie Haslam n'imaginait pas à quel point ce fléau allait changer sa vie. Sa lutte sans répit contre la maladie suivie de sa victoire l'a conduite vers une quête spirituelle dont l'album Blessing In Disguise (1994) était le témoignage. Cinq ans après, The Dawn Of Ananda poursuit sur cette voie. Son étrange titre trouve son origine dans le bouddhisme. En langue sanskrite, "ananda" signifie "félicité". Annie a réuni dix chansons autour d'un thème commun : les anges. Si on est loin des années Renaissance, à l'exception du premier morceau Precious One composé et arrangé par son ancien complice Michael Dunford, la chanteuse à la voix céleste navigue entre new age (Twig, Running River Runs), influences asiatiques (Ananda, Lily Lullaby), musique sacrée occidentale ('Michael' Prince Of Angels), voire gospel (This Is Destiny). Elle a mis tout son cœur dans ce projet réalisé à l'aide de ses anges terrestres. Outre Dunford déjà cité, son fidèle Rave Tesar, Larry Fast (Peter Gabriel, Kate Bush, producteur d'Annie Haslam en 1989), Tony Visconti (fameux collaborateur de David Bowie, producteur de Blessing In Disguise), David Biglin (Live Under Brazilian Skies) et Mickey Simmonds (Mike Oldfield, Fish, Camel, futur Renaissance) lui ont insufflé une partie de leur génie. Si le jeune Mikey envolé à l'âge de quatre ans a inspiré Precious One, impossible de ne pas évoquer A Thousands Angels, magnifique pièce aux paroles écrites par Jeremy Parker, père d'un petit Tommy parti lui aussi rejoindre les étoiles alors qu'il n'était qu'un bébé. A tous ces anges, Annie rend un hommage solennel.
John Renbourn & Jacqui McShee - An Evening With... (2019)
Pourquoi écouter ce disque ?
John Renbourn et Jacqui McShee sont deux légendes de la scène folk britannique. Leur (longue) collaboration débute au milieu des années 60. John trouvait que la voix magique de Jacqui s'accordait à merveille avec son jeu de guitare. Ensemble, ils forment Pentangle (1967-1973), puis se retrouvent à la fin des années 70 au sein du John Renbourn Group. Au fil des décennies et jusqu'à la fin des années 2000, ils continuent à apparaître tous les deux sur scène de manière régulière. Si Jacqui est toujours en activité aujourd'hui, John, lui s'est éteint le 26 mars 2015. Il est considéré comme un des guitaristes les plus influents de sa génération. En sa mémoire, son fils Joel propose une collection de chansons captées live, issue des archives personnelles de son père, faisant revivre, l'espace d'un instant, cette alchimie unique. Doté d'un qualité sonore exceptionnelle grâce au travail de remasterisation du génial Denis Blackham (Yes, Cocteau Twins, Jimi Hendrix, Mike Oldfield, Troy Donockley, Barbara Dickson, Vangelis, Jean-Michel Jarre...), cet album ce déguste avec un plaisir coupable, mais sans modération. Le duo s'amuse à revisiter son large répertoire comprenant bien entendu des morceaux datant de l'époque Pentangle (The Trees They Do Grow High, Cruel Sister, Turn our Money Green), mais aussi I Can't Keep From Crying Sometimes, extrait de l'album Another Monday (1966) de John sur lequel Jacqui posait déjà sa voix. La version a cappella de The Nightingale, belle à pleurer, l'instrumental foudroyant Lament For Owen Roe O'Neill ou encore la reprise jazzy de Little Niles en hommage à Randy Weston sont les moments inoubliables de cette soirée unique, placée sous le signe d'une amitié indéfectible.
Musiciens
John Renbourn : guitare, chant
Jacqui McShee : chant
Titres
01. The Trees They Do Grow High
02. My Johnny Was A Shoemaker
03. I Can’t Keep From Crying Sometimes
04. Dark Islands / Great Dreams From Heaven
05. The Nightingale
06. Little Niles
07. The Lament For Owen Roe O’Neill
08. The Bonny Greenwoodside
09. Come All Ye Tramps & Hawkers
10. Kokomo
11. Cruel Sister
12. South Wind / The Blarney Pilgrim
13. Turn Your Money Green