Célébrons le retour des beaux jours avec Sultana et son nouveau single Tierra Madre. Cette nouvelle chanson, aussi succulente qu'une sucrerie, annonce son troisième album à paraître à l'automne 2022, Unis Vers Elle qui fait suite à Sol'Air (2017) et Mosaïque (2010). D'origine franco-marocaine, Sultana, aime qualifier ses compositions de chansons métissées. Ouverte sur le monde à l'image de sa musique, elle adore voyager, se passionne pour les cultures des cinq continents, en particulier de l'Amérique latine. D'ailleurs, elle chante aussi bien en français qu'en espagnol, voire parfois en arabe. Tierra Madre se présente comme une ode à la Terre, mère nourricière, symbole d'abondance et de vie. Elle qui a commencé en étudiant le chant lyrique avant de faire quelques incursions dans le jazz et la comédie musicale, affine ses envies au fil du temps, en ne cessant d'apprendre, multipliant les collaborations et les expériences. En résumé, Sultana c'est une voix rayonnante chantant sur une musique solaire. Qui dit mieux ?
This is the end, beautiful friend... Après plus d'une décennie dans la musique, la chanteuse Mandy Morton tire sa révérence en 1983 avec son dernier opus Valley Of Light. Au fil des albums, elle est apparue sous les noms de Spriguns Of Tolgus, Spriguns tout court, Mandy Morton and Spriguns, puis Mandy Morton en toute simplicité. Pour sa sortie de scène, elle a choisi l'intitulé de Mandy Morton Band. Ce choix n'est pas anodin. Au début des années 80, juste après la sortie de Sea Of Storms, Mike Morton, son mari et bassiste à ses côtés depuis le début, quitte cette vie tumultueuse de musicien pour une vie "plus rangée". Mandy renouvelle alors toute son équipe afin de se donner un nouveau souffle. Un noyau se constitue autour d'elle, réunissant des musiciens issus de la scène de Cambridge : Simon Wheeler Hunt aux guitares et claviers, Sean Boucousis à la basse et Dominic Green à la batterie. Ensemble, ils forment un véritable groupe, d'où ce nom de Mandy Morton Band. Et cela s'entend sur l'album, Mandy leur laissant à chacun assez d'espace pour s'exprimer, ne faisant pas de ce disque l'album d'une seule chanteuse. C'est Mandy qui a écrit toutes les paroles et musiques, à l'exception de sa reprise du Somebody To Love de Jefferson Airplane, titre emblématique joué lors des rappels en concert depuis plusieurs années et qu'elle a enfin décidé de graver sur disque, toujours dans cet esprit de dire au revoir. Moins sombre que ses prédécesseurs, Valley Of Light n'en contient pas moins certains thèmes récurrents dans l'œuvre de Mandy, à savoir des histoires sous forme de contes mystérieux (Ice Queen), la légèreté amoureuse (Not For Sale), la séparation (Chosen Few) ou le pacifisme (Natural Born sur lequel joue à la guitare acoustique son beau-frère David Griffiths, époux de sa sœur Gaynor qui participe ici aux chœurs). Seulement disponible en vinyle ou dans des versions cd de médiocre qualité, cela a été un véritable plaisir de découvrir cet album dans une version remasterisée digne de ce nom suite à la sortie de l'indispensable After The Sorms. Ce coffret publié par l'excellente maison de disque Cherry Red Records dont la spécialité est de faire revivre les trésors du passé, rassemble tous les albums de Mandy, une des chanteuses les plus singulières du paysage musical britannique des années 70 et du début des années 80. This is the end, my only friend, the end...
Des multiples projets musicaux de Rob Reed (Magenta, Cyan, Kompendium, Kiama, Trippa, Fyreworks), Chimpan A est certainement le plus excentrique de tous. Après un seul et unique album en 2006, on pensait la formation endormie pour toujours. Erreur. Chez Rob, rien n'est en sommeil éternellement. Animé par une frénésie créatrice, mister Reed a réactivé quatorze ans après Chimpan A avec son vieux complice Steve Balsamo, mais sans le guitariste Rob Thompson, troisième membre du groupe sur le premier album. Pour ceux qui ne connaissent pas cet excellent chanteur qu'est Steve Balsamo, rappelons qu'il a joué le rôle de Jésus dans la comédie musicale à succès Jesus Christ Superstar signée Andrew Lloyd Weber. Il a aussi été le chanteur du groupe gallois The Storys (avec Rob Thompson) de 2003 à 2010, a collaboré avec les regrettés Eric Woolfson, Meat Loaf, Jon Lord et était la voix principale du magistral Beneath The Waves de Kompendium. Projet hybride difficile à classer, les musiciens de Chimpan A situent eux-mêmes leur musique quelque part entre Peter Gabriel, Pink Floyd, Björk et Massive Attack. Aux côtés de Steve, les voix féminines sont particulièrement à l'honneur avec les participations de Rosalie Deighton (sa partenaire sur l'album aux accents folk Unfolding), Christina Booth de Magenta (inégalable sur l'émouvant Stars), Kirstie Roberts (entendue aux chœurs sur un autre projet de Reed, Kiama), et la chanteuse soprano galloise Shân Cothi, déjà présente sur le premier opus en 2006, tout comme le poète Tony Dallas. Album aux saveurs estivales, The Empathy Machine qui a pour thème la science-fiction avec cette machine du futur capable d'enregistrer les émotions humaines, surprendra à la première écoute, pouvant provoquer jusqu'à un mouvement de rejet, puis saura se faire adopter jusqu'à devenir familier à notre environnement sonore. Une belle réussite.
Musiciens
Steve Balsamo : chant
Robert Reed : claviers, programmation batterie, guitares, basse
Conteuse passionnée, Helena Recalde est une artiste équatorienne vivant aujourd'hui en France. Elle est à la fois chanteuse, bassiste, contrebassiste, auteure et compositrice. Karishina, son album le plus accompli à ce jour, propose une musique solaire aux rythmes afro-latins, influencée par le jazz. Accompagnée du claviériste libanais Fady Farah, de la percussionniste Vanesa García originaire d'Argentine et de quelques invités, elle définit sa musique comme la rencontre de trois continents, l'Amérique latine, le Moyen-Orient et l'Europe, sa nouvelle maison. Puisant son inspiration première dans la terre de ses ancêtres, la cordillère des Andes, elle a comme modèles les chanteuses Mercedes Sosa, véritable légende sur tout le continent sud-américain, bien au-delà de son Argentine natale, ainsi que Susana Baca, qui milite pour la reconnaissance des Africains amenés comme esclaves au Pérou, et qui a brièvement été ministre de la Culture dans ce même pays. Comme elles, Helena se trouve aux côtés de ceux qui luttent, apportant ainsi un peu d'espérance dans ce monde en pleine dérive. Karishina leur est dédié. Le mot "karishina" qui vient du quechua, ancienne langue officielle de l'Empire inca, toujours usitée dans les Andes, signifie "femme inapte aux tâches ménagères", sous-entendu "qui refuse de se soumettre". En ce sens, le morceau le plus emblématique de l'album n'est autre que Malala écrit en soutien à l'activiste pakistanaise Malala Yousafzai, la plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix. Au péril de sa vie, elle combat pour l'éducation des jeunes filles. A la toute fin de la chanson, un extrait de son discours aux Nations Unies a été samplé. Sincère et touchant, cet album fait l'effet d'un magnifique rayon de soleil.
Helena Recalde révèlera son nouvel album « Karishina » à l’occasion de sa sortie le 10 juin 2022 chez FincaSud / Les Artpie’Cultrices / InOuïe Distribution. Ce nouvel opus sera présenté le vendredi 17 juin 2022 à 19h30 sur la scène du Point Fort d’Aubervilliers, lors d’un concert de lancement exceptionnel (un évènement organisé par Villes des Musiques du Monde).
The 3rd And The Mortal - Tears Laid In Earth (1994)
Pourquoi écouter ce disque ?
A sa sortie, Tears Laid In Earth fait l'effet d'une bombe dans le paysage musical des années 90. Quelques mois avant, The 3rd And The Mortal avait fait paraître l'EP Sorrow qui donnait un avant-goût de ce qui allait suivre. Fondé en 1990, d'abord sous le nom de Nightfall, par le batteur Rune Hoemsnes et les guitaristes Trond Engum et Geir Nilssen dans la ville de Trondheim en Norvège, le groupe prend le nom de The 3rd And The Mortal en 1992 suite à l'arrivée de la chanteuse Kari Rueslåtten et du troisième guitariste Finn Olav Holthe. Leur premier album Tears Laid In Earth pose les jalons d'un nouveau genre musical qui connaîtra un succès croissant par la suite, le doom metal atmosphérique avec voix féminine. Leur musique sombre et torturée exprime une mélancolie sans fin où se confrontent guitares acérées et chant cristallin d'une très grande pureté. Pour mieux la comprendre, il faut s'imaginer dans une forêt sombre et brumeuse une nuit d'automne. L'album s'ouvre sur Vandring, chant a cappella de Kari qui, tel celui d'une sirène, nous envoute pour mieux nous entraîner dans un monde tourmenté où seule n'a de place la souffrance. Il se referme sur le monumental Oceana, voyage épique dépassant les dix-huit minutes, au cours duquel notre âme ne sortira pas indemne après avoir entendu sur les toutes dernières secondes le souffle divin de Kari entrouvrant une porte secrète menant vers la folie. Le lugubre Death-Hymn ou Why So Lonely et son refrain entêtant que reprendra Kari sur son album solo Time To Tell en 2014 accompagnée de Tuomas Holopainen de Nightwish au piano, sont d'autres moments forts de ce disque à la fois dense et étincelant, rarement surpassé depuis sa sortie, qui a eu l'intelligence de regarder du côté du rock progressif, du folk et du jazz. L'année suivante, Kari s'en ira poursuivre une carrière solo. Si The 3rd And The Mortal continuera sa route avec d'autres chanteuses, il ne retrouvera jamais les sommets de Tears Laid In Earth.
This Mortal Coil n'est pas un groupe comme les autres. Il a été imaginé par Ivo Watts-Russell, fondateur du célèbre label 4AD. Sous ce nom, sont sortis trois albums entre 1984 et 1991 : It'll End In Tears sur lequel figuraient les Cocteau Twins et Dead Can Dance, Filigree & Shadow en 1986, puis Blood considéré par le NME comme l'un des 500 meilleurs albums de tous les temps. Comme ses prédécesseurs, Blood, conçu comme un double-album, réunit des artistes de la galaxie 4AD, et au-delà, reprenant d'anciens titres undergrounds entrecoupés d'obscurs passages atmosphériques. Le résultat est fascinant. Cette musique à la fois belle et hanté nous enveloppe d'une aura insaisissable, aussi mélancolique que le regard perdu du mannequin Pallas Citroen qui illustre la pochette. Déjà présente sur les pochettes des deux premiers albums, elle fait le lien entre chaque disque, renforçant ainsi cette sensation d'unicité. Blood fait la part belle aux voix féminines. Se succèdent au chant Dreidre Rutkowski et sa sœur Louise (ensemble sur le précieux I Come and Stand At Every Door des Byrds), Anne Garrigues, Heidi Berry, Alison Limerick (sublime sur un Nature's Way aux élans symphoniques), Kim Deal et Tanya Donelly des Breeders qui performent le You And Your Sister de Chris Bell à un niveau équivalent au monumental Song To The Siren du premier opus, ainsi que Caroline Crawley, chanteuse de Shelleyan Orphan. Présente sur quatre titres, dont le Late Night de Syd Barrett qu'elle réenchante dans une version minimaliste éblouissante, Caroline marche avec aisance sur les sentiers de cette dream pop inventive, guère éloignée de ceux qu'elle écrit avec son groupe aujourd'hui devenu culte. D'une noirceur absolue, Blood est le genre d'album qui vous hante, sans pour autant vous faire perdre le goût à la vie.
Meïkhâneh - Chants Du Dedans, Chants Du Dehors (2022)
Pourquoi écouter ce disque ?
Bienvenue dans la Maison de l'ivresse, ou Meïkhâneh en langue persane. Fondé en 2009 à Rennes, Meïkhâneh est un trio des plus fascinants réunissant Maria Laurent, Johanni Curtet et Milad Pasta. Avec une régularité métronomique, ils ont sorti un album tous les cinq ans, d'abord La Maison De L'Ivresse en 2012, puis La Silencieuse en 2017, et maintenant ces Chants Du Dedans, Chants Du Dehors. A la croisée des mondes, leur musique sans frontières se nourrit des imaginaires européens, mongols et perses. D'origine iranienne, Milad maîtrise avec aisance, après des années de travail et de passion, les percussions traditionnelles du pays de son enfance et celles de Géorgie comme le tombak, le daf, ou encore le riqq. Passionné des infinies steppes mongoles ainsi que de la culture de tout un peuple, Johanni Curtet s'est initié dans cette contrée lointaine au khöömii ou chant de gorge. Ce chant diphonique ancestral cherche à reproduire les sons naturels comme l'écoulement de l'eau, l'écho des montagnes ou les grondements du tonnerre. Maria serait-elle la plus rêveuse du groupe ? En plus de chanter ici en persan, mongol, grec et portugais, elle s'est inventée une langue imaginaire dans laquelle elle peut exprimer au plus profond ses sentiments. Cette combinaison gagnante offre un savant mélange de sensations irréelles bien au-delà de l'ivresse. Fenêtre ouverte sur un Ailleurs enchanteur, Meïkhâneh et ses Chants Du Dedans, Chants Du Dehors cultive l'art délicat de faire voyager très loin, tout en restant chez soi.
Musiciens
Maria Laurent : chant, luth tovshuur, banjo, flûte traversière
Entre l'ombre et la lumière. En nouvelle prêtresse de l'obscur, Mariana Semkina annonce avec son EP Disillusioned les prémices de son deuxième albums solo à paraître. Originaire de Saint-Pétersbourg et désormais installée en Grande-Bretagne, Marjana est la chanteuse du duo russe Iamthemorning. Pour ses projets solos, elle devient Mariana et non plus Marjana. Pendant la pandémie, elle a connu une longue période de dépression l'empêchant d'écrire. Puis le soleil est réapparu. Elle a convoqué autour d'elle Vlad Avy (guitare), Grigoriy Losenkov (piano, claviers, basse) et Svetlana Shumkova (batterie) déjà présents sur son premier album Sleepwalking en 2020, ainsi qu'un quatuor à cordes. Mariana s'est nourrie des poètes de l'ère victorienne pour les trois titres inédits de l'EP aux effluves mélancoliques, Friend, Disillusioned et An End. Me Hagyj Itt qui fait figure d'interlude par sa brièveté, est signé Béla Bartók, grand compositeur hongrois fortement influencé par la musique folklorique d'Europe de l'Est. Land Míns Föður, autre court moment chanté, est un chant patriotique islandais repris auparavant par Björk. Ces deux passages aux résonnances mystiques sont interprétés par Mariana dans leurs langues natales. Elle a, par ce fait, souhaité rendre hommage à la Hongrie et à l'Islande, deux pays qu'elle adore visiter. Entre musique de chambre et folk hanté guère éloigné des œuvres de la chanteuse norvégienne Kari Rueslåtten, Mariana saupoudre sa musique d'éléments prog et électro, accentuant ainsi son aspect élégant, raffiné et délicat. Un délice.
Bilja Krstić & Bistrik - Извориште: A Cappella (2013)
Pourquoi écouter ce disque ?
Depuis le début des années 2000, l'ancienne star de la pop serbe (et yougoslave) Bilja Krstić revisite le folklore ancestral de son pays en compagnie de son groupe le Bistrik Orchestra. Elle s'est fixée comme mission de transmettre le patrimoine musical de son peuple aux générations futures. Sorti en 2013, Извориште qui peut se traduire par La Source, est son quatrième album. Il emprunte un chemin différent des précédents car Bilja n'a convoqué que la section féminine du Bistrik pour proposer douze chants anciens, interprétés uniquement a cappella, sans aucun autre instrument que la voix humaine. D'une durée parfaite de trente minutes, pas une seconde de plus, pas une de moins, le résultat est simplement magnifique, envoutant. En un claquement de doigts, Bilja nous transporte au cœur des Balkans mystérieuses avec ses chants polyphoniques traditionnels d'une beauté à couper le souffle. Véritable parenthèse enchantée, cet album présente une autre facette de ce petit pays qui mérite d'être découvert. Dommage qu'il n'ait pas été édité en dehors de la Serbie car il est toujours bon d'entendre battre le cœur d'un peuple, au-delà des préjugés.
Aidée du compositeur et arrangeur Krassimir Kyirkchiyski, la chanteuse lyrique mezzo-soprano Vesselina Kasarova, une des plus belles voix de Bulgarie, nous initie le temps d'un disque aux mystères de l'âme bulgare. Avec plus de 300 000 chansons et pièces instrumentales, la musique populaire bulgare constitue l'essence même de l'identité culturelle de ce petit pays situé entre l'Orient et l'Occident, au cœur des Balkans fragmentés. Si chacune de ses régions historiques a développé un style bien défini, variant néanmoins d'un village à un autre, elles ont en commun la particularité d'avoir différencié le chant et la musique, considérés comme deux arts à part. Les chansons ne sont, par tradition, que rarement accompagnées de musique réservée plutôt à la danse. Autre caractéristique, le chant est avant tout une affaire de femme, ce qui laisse supposer que ces pièces ancestrales, transmises de générations en générations, ont été créés par des femmes. Souvent mélancoliques, elles relatent des faits héroïques légendaires, évoquent l'amour, s'inspirent d'anciens rituels profanes, ou célèbrent les durs labeurs de la paysannerie. Sur ce blog, nous avons déjà croisé les routes du Mystère de Voix bulgares (devenu The Mystery Of The Bulgarian Voices), d'Irfan et de Darina Zlatkova, Vesselina Kasarova propose une autre approche toute aussi originale, entre classique et folk traditionnel.