La Hongrie et ses légendes... A travers le concept The Moon And The Nightspirit, Ágnes Tóth et son conjoint Mihály Szabó souhaitent faire découvrir les mythes anciens et secrets de leur pays. Mohalepte, leur quatrième album, est une invitation à laisser voguer les âmes solitaires au cœur d'anciennes forêts magiques, comme le suggère la pochette du disque conçue par Ágnes. A la fois conteuse et prêtresse païenne, cette dernière met en musique, avec Mihály, des histoires féeriques et fantastiques, côtoyant l'univers du grand Tolkien. Cousins des Allemands Faun, de l'Australienne Louisa John-Krol et des inévitables Dead Can Dance, The Moon And The Nightspirit offrent un pagan-folk original, trouvant sa source tant en Europe centrale que dans les steppes asiatiques infinies dont est originaire le peuple hongrois. Autre héritage du passé, l'emploi d'instruments traditionnels comme le morin khuur. Cet instrument folklorique mongol, dont le nom signifie "violon à tête de cheval", produit un son unique, comparable à une brise délicate dans les prairies, ou au hennissement lointain d'un cheval. Une musique vraie pour un dépaysement garanti.
Musiciens
Ágnes Tóth : chant, violon, morin khuur, percussions
Mihály Szabó : guitare acoustique, basse acoustique, chant
Human, le huitième album de la chanteuse allemande Isgaard marque un tournant dans sa carrière. Pour la première fois, elle n’apparaît pas sur la pochette d'un de ses disques, confirmant l'idée à son écoute qu'il s'agit là d'un véritable travail d'équipe. Outre Jens Lueck, son compagnon de toujours occupant à la fois le poste de multi-instrumentiste, de producteur et d'ingénieur du son, toute une équipe s'est constituée autour de la chanteuse au fil du temps. Du guitariste Jan Petersen (ex-Sylvan) à Volker Kuinke (Eloy, Syrinx Call), en passant par Ekis Giloc à la basse ou Katja Flintsch et Annika Stolze aux cordes. C'est pourquoi la disparition tragique du guitariste Dieter Koch fin 2018 a laissé un vide immense. Il avait participé en 2016 à Whiteout puis au projet Single Celled Organism. Une des plus belles chansons du disque lui est dédiée, I Couldn't Say Goodbye, sur laquelle Isgaard atteint les mêmes sommets émotionnels et vocaux qu'une Kate Bush. Entre tristesse et colères, Human a été conçu en réaction à la fragilité des hommes et de notre planète en péril. Jamais le piano, accentuant cette touche mélancolique, n'a été aussi présent. C'est lui qui mène la danse, du titre d'ouverture See The Leaves Falling à A billion Souls All Still Alone en passant par le sublime Black Swan qui aborde subtilement la question de l'exclusion des personnes dites "différentes". Son final, tel une éruption volcanique, illustre si bien ce drame vécu par tous ces individus qui ne demandent qu'à être aimés comme ils sont. Tout aussi déchirant, Your World Is Broken souffre avec ses enfants dont les vies ont été volées suite à des traumatismes (la guitare de Petersen accompagne en toute dignité ces cris silencieux), tandis que Frozen Hearts évoque le drame syrien qui n'en finit pas. L'ambitieux Borders se divisant en trois parties enchantera sans aucun doute les passionnés de musique progressive, héritière du Pink Floyd. Jens mêle sa voix à celle d'Isgaard pour cette saga narrant l'expansion de l'humanité à partir de l'Afrique (Awakening), puis son repli nourri de peurs provocant des divisions (Fractioning), suivi d'une mise en perspective sur un avenir peu rassurant (In The Cage). Dans tous ces tourments, The Sun Comes Up Tomorrow ouvre une fenêtre sur un peu d'espoir, du moins sur la nécessité d'aller de l'avant, quelle que soit la situation. Isgaard frappe fort avec ce disque, témoin d'une époque trouble et troublée. Comme elle, d'autres voix s'élèvent, suppliant l'humanité toute entière à se ressaisir avant qu'il ne soit trop tard. L'urgence est là.
Collection D'Arnell-Andréa - Cirses Des Champs (1996)
Pourquoi écouter ce disque ?
Étrange album que ce Cirses Des Champs de Collection D'Arnell-Andréa. Malgré une pochette bucolique invitant à la rêverie, peinture de style impressionniste signée Nicolas Mecheriki, nous avons là un disque électrique. Riffs ravageurs, guitares saturées, Franz Torres-Quvedo se retrouve au premier plan, secondé à la basse par Stephan Kehlsen, nouveau membre. Avec toute l'élégance qui est sienne, Collection D'Arnell-Andréa mêle à un rock exigeant et brut, une poésie d'essence pastorale nourrie de vastes paysages ruraux. La nature est et demeure au cœur du projet mené par Jean-Christophe d'Arnell. D'ailleurs, Cirses Des Champs (véritable nom du "chardon") se présente comme un concept-album construit autour des plantes dites "mauvaises herbes", ou considérées comme nuisibles. Chacun des titres porte le nom de l'une d'elle. Et à l'intérieur du livret, en regardant de plus près les paroles, on constate que chaque chanson possède un mot au milieu duquel trône une lettre écrite en majuscule. En assemblant toutes ces lettres entre elles, apparaît le nom "coquelicot". Dernière plante mystérieuse, la voix caressante de Chloé St Liphard réconfortant, ou plutôt ensorcelant notre âme pendant que notre corps subit les assauts répétés de ces lierres, ronces, orties et autres buis.
Joshua Burnell ou l'étoile montante du folk britannique actuel. A peine son premier album Into The Green sorti, Joshua s'est lancé le défi ambitieux, fin 2016, d'enregistrer et de réarranger une chanson traditionnelle par semaine pendant un an. Au final, il a accumulé cinquante-deux morceaux ayant tous en commun de refléter l'évolution des saisons. Quatorze d'entre eux ont été retenus pour ce Songs From The Seasons, album hommage aux rois et reines de la musique folk. Ce que Joshua aime avant tout c'est aller de l'avant, revisiter de veilles chansons en les modernisant, sans se soucier des conventions. Ainsi, le classique Two Magicians au texte osé où un forgeron tente de voler la virginité d'une femme, est abordé sous l'angle de vue de cette dernière. Ce qui n'avait jamais été fait jusqu'alors. Autre moment de bravoure, The Nightingale, délicate ballade danoise au final flamboyant, sur lequel la guitare de Ben Burnell, frère de Joshua, sonne comme celle du grand Mark Knopfler, époque Dire Straits. Mais l'aspect le plus éloquent de ce disque se trouve dans la présence discrète de grandes dames. Si à travers ses interprétations de The Dowie Dens Of Yarrow, The Snow Is Melts The Soonest et Reynardine, Joshua rend un hommage respectueux à Shelagh McDonald, Anne Briggs et Sandy Denny qui ont immortalisé ces classiques en leur temps, il ne s'arrête pas là. Le titres Songs From The Seasons est un clin d'œil appuyé à l'album de Renaissance A Song For All Seasons (1978), d'autant plus que la pochette est illustrée par une peinture originale d'Annie Haslam, chanteuse de ce groupe mythique de rock symphonique que nous chérissons particulièrement ici. Et ce n'est pas fini ! Autre invitée de marque, Angela Gordon de Mostly Autumn qui apparaît à la flûte irlandaise sur un Farewell To Tarwathie à la fois mélancolique et nostalgique. Enfin, impossible de ne pas citer Sarah Loughran (violon), Rachel Wilson (violon), Rachel Brown (violoncelle), Cristina Crespo (flûte), ni Frances Sladen, compagne de Joshua, apportant une touche féminines aux chœurs de High Germany et du déjà cité The Nightingale. Une étoile n'est rien sans ses planètes.
Il semblait difficile à Panic Room de donner un successeur à Skin tellement ce dernier était d'un niveau exceptionnel. A cela, s'ajoutait le départ surprise de Paul Davies, leur guitariste historique. Et pourtant, Incarnate n'a pas à rougir ! Anne-Marie Helder (chant, guitare, claviers, harmonica), Jonathan Edwards (claviers), Gavin John Griffiths (batterie, percussions) et Yatim Halimi (basse) ont fait appel à Adam O'Sullivan, guitariste émérite au style bluesy, offrant ainsi de nouvelles orientations musicales. Son travail est remarquable, que ce soit sur le titre d'ouverture Velocity aux riffs fulgurants, ou sur Into Temptation sur lequel il propose un jeu vif et intelligent. Avec Incarnate, le groupe marque sa volonté d'ouvrir un nouveau chapitre, de poursuivre son parcours en suivant sa propre voie, tout en se démarquant nettement de ses contemporains tel que Mostly Autumn, Magenta, Landmarq ou Karnataka dont Anne-Marie, Jonathan et Gavin ont fait partie. La chanson titre Incarnate tout comme Waterfall (avec son intro lumineuse à la Supertramp) abordent cette thématique de la prise en main par soi-même. Une des caractéristiques de Panic Room est d'ailleurs la profondeur de ses textes. Close The Door, All That We Are ou encore Start The Sound évoquent toutes la relation à l'autre, parfois joyeuse, souvent dramatique. Impossible de résister à la noirceur de Dust, le dernier titre, qui, pour moi, demeure leur composition la plus forte d'un point de vue émotionnel. Anne-Marie en a écrit les paroles suite à une attaque chimique sur une école en Syrie. Son chant fantomatique, baigné d'une musique d'outre-tombe, incarne ce flot de douleur d'où jaillissent les cris de ces jeunes âmes déchirées. En véritable frontwoman, Anne-Marie nous éblouissait jusqu'alors, avec ce titre elle se hisse au même niveau que les plus grandes, de Sandy Denny à Kate Bush, de Lisa Gerrard à Beth Gibbons. Une déesse est née.
Fondées dans les années 60, Phoenix et Sfinx ont été pendant des décennies les deux seules formations de référence de rock progressif issues de Roumanie. A l'aube des années 2000, la situation a évolué avec l'arrivée de Yesterdays au nom faisant explicitement référence aux maîtres du genre, Yes. Bien que de nationalité roumaine, ces nouveaux venus ont la particularité d'être originaires de la minorité hongroise peuplant la Transylvanie. Basés dans la petite ville de Carei, située à huit kilomètres de la frontière hongroise, Yesterdays s'apparente davantage à un collectif qu'à un groupe, articulé autour du triumvirat Bogáti-Bokor Ákos (guitares, basse,claviers)/Enyedi Zsolt (claviers)/Kósa Dávid (percussions). Avec Senki Madara, leur troisième (et meilleur) album (autoproduit), ils ont puisé dans le fonds culturel hongrois d'anciennes chansons folkloriques, vieilles de plusieurs centaines d'années, puis les ont adaptées de manière ingénieuse dans un style singulier trouvant son origine dans le rock progressif des années 70. Outre Yes, Genesis, Pink Floyd, Camel, ELP, Gentle Giant ou encore King Crimson sont les influences revendiquées par les musiciens. Le résultat est tout simplement fantastique, d'autant plus qu'ils ont fait appel à trois voix féminines d'exception. Si Stephanie Semeniuc est aujourd'hui la chanteuse officielle du groupe, Tarsoly Csenge, amie de longue date d'Ákos, prête sa voix claire à Hajnalcsillag, tandis que Szirtes Edina Mókus, plutôt orientée jazz, apparaît sur deux chansons, Ne Mondd El et Ugy Bocsáss El. A titre de comparaison, Yesterdays évoluent dans la même catégorie que les Gallois Magenta (les nappes synthétiques du premier morceau Ágról-Ágra évoquent d'ailleurs Speechless), les Néerlandais Flamborough Head (avec lesquels ils ont partagé l'affiche du Mini-Progfestival en 2007, à Budapest), les Finlandais Paidarion (dont Bogáti-Bokor Ákos a joué sur le dernier album Two Worlds Enounter), les Polonais Quidam ou les Grecs Ciccada. Le chant en langue hongroise ainsi que la musique raffinée de cet ensemble authentique transforment l'"Oiseau de personne" (traduction littérale de "Senki Madara") en un réel moment d'évasion, de légèreté et de liberté.
House of Not - The Walkabout Of A. Nexter Niode -
Part 3: On The Madness Of Crowds (2012)
Pourquoi écouter ce disque ?
J'ai découvert House Of Not en 2012 par ce disque, et, autant le dire de suite, j'ai reçu la même claque que lorsque j'ai écouté pour la première fois Misplaced Childhood de Marillion ou Doomsday Afternoon de Phideaux. C'est dire le niveau. Basé à Toronto, au Canada, House Of Not est un projet avant d'être un groupe. Brian Erikson, son fondateur, a eu l'idée brillante de raconter à travers cinq albums le voyage initiatique d'un certain A. Nexter Niode, personnage pittoresque. On The Madness Of Crowds est le troisième volume de cette aventure fantastique. Son titre a été inspiré de l'étude Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds consacrée à la psychologie des foules et écrite en 1841 par un Écossais répondant au nom de Charles Mackay. Cette source d'inspiration explique sans doute la touche celtique qui se dégage dès le premier morceau, Meeting The Piper. Personnage central de cette nouvelle épopée, The Pipper, considéré comme un fou, possède des dons de voyance. Écouté par personne à l'exception de Niode, il lui annoncera les événements qui provoqueront sa chute, mais lui ne les comprendra pas. Côté musique, Erikson et les siens puisent leur inspiration tant dans le jazz de cabaret que le rock progressif héroïque où se croisent les chemins de Pink Floyd, Moody Blues, Camel, Supertramp, Barclay James Harvest ou Rush. Des sommets sont atteints avec le puissant What Is Good For You, interprété par une Dee Brown divine, suivi de l'instrumental The Death Of Silk. A Beautiful Lie, Key Of G et ses guitares "gilmouriennes" hallucinantes, ainsi que Schandenfreude sont autant de scuds capable de faire exploser les enceintes. En un mot, cet album est tout simplement incontournable.
Musiciens
Brian Erikson : chant, claviers, samples, percussions
Ken (Smog) O'Gorman : guitares, sitar, basse, Moog, percussions
Quelques semaines à peine après leur premier EP High In The Blue, White Sail propose le single WinterTide. Entièrement composé par Jane Stockdale, cette triste ballade hivernale aux couleurs celtiques enchante dès la première écoute. Son refrain accrocheur, la harpe celtique de Sarah Dean, les percussions ethniques ainsi que la flûte aérienne nous plongent au cœur d'une cérémonie occulte païenne, célébrée lors d'une nuit noire et profonde, autour d'un feu salvateur. Il s'en dégage les mêmes effluves marines que de The Islander de Nightwish. C'est dire sa force.
Ce CD n'étant pas distribué, il se commande directement sur le site du groupe en cliquant sur ce lien.
Originaire de York, White Sail propose une musique folk raffinée, jouée par des musiciens unis par les mêmes passions, la mer, la nature, l'histoire, la vie, et l'amour. Ces thématiques sont au cœur de leurs chansons publiées sur un premier EP fin 2017, High In The Blue. Si les harmonies vocales de Ridgeway évoquent dès la première écoute leurs aînés de Steeleye Span, White Sail n'en a pas moins développé son propre style du fait de l'expérience cumulée de ses trois musiciens. Jane Stockdale (chant, percussions) est une habituée des festivals, elle joue depuis des années à travers toute l'Angleterre. Chris Bartram (chant, guitare, trompette) partage son temps entre l'enseignement de la musique à l'université, et la scène aux côté d'une multitude de musiciens jouant aussi bien du ska, du funk ou de la soul. Sa trompette apporte d'ailleurs une réelle touche d'originalité ici (The Fluther Girls). La harpiste Sarah Dean est, avouons-le, notre préférée. Que ce soit en solo (The Incredible String Blond), aux côtés de Bryan Josh, d'Heather Findlay ou de Luna Rossa ou avec ses nouveaux compagnons, son jeu délicat subjugue et accompagne à merveille ces cinq chansons aux textes poétiques. Enjoy the music!
Ce CD n'étant pas distribué, il se commande directement sur le site du groupe en cliquant sur ce lien.
Musiciens
Jane Stockdale : chant, djembé
Chris Bartram : chant, guitare acoustique, trompette
Sarah Dean : chant, harpe celtique, schruti box
Titres
01. Ridgeway
02. The Flither Girls
03. Carry
04. Spring
05. White Sail
Né des cendres de Drakkan, Octantrion propose un festival d'instruments à cordes. Ce duo solaire est constitué d'Éléonore Billy, une passionnée des cultures et instruments scandinaves, et de Gaëdic Chambrier, musicien autodidacte aux goûts très éclectiques, du jazz au rock en passant par les musiques du monde. Ses instruments fétiches sont à cordes pincées (mandoles, cistres et guitares), dont la guitare-harpe est sans doute le plus original. Conçue par le luthier Benoit Meulle-Stef, elle allie six cordes de guitare et vingt-deux cordes de harpe. Éléonore joue, elle, de deux instruments nordiques traditionnels, ancrés dans la culture scandinave : le nyckelharpa, sorte de vielle à archet, et le hardingfele, petit violon arborant des motifs somptueux. En quarante minutes et dix morceaux, Octantrion ouvre les portes de son univers musical où se croisent contes et légendes elfiques (Nellë, Morë Hér), polskas suédoises (Polska Från Barsebäck, Finn Pål), courants méditerranéens (Harmen Formen), ou encore fjords norvégiens (Leiken Henna Oline Veti-Odden, Royskatten Hallen) associés à des sons modernes. Bref, du vrai polsk'n roll !