En ce début des années 80, Steeleye Span est de retour après une pause de deux ans. Pourtant, Maddy Prior et son compagnon Rick Kemp, qui viennent de donner naissance à leur premier enfant Alex en 1981, se sentent à l'étroit. Ils ont besoin de plus d'espace, de s'éloigner des Gaudete et All Around My Heart, et de se lancer de nouveaux défis. Ainsi, ils fondent le Maddy Prior Band le temps de l'album Hooked On Winning. Paru en 1982 sur le label de Nigel Pegrum, Plant Life Records, le ton est résolument pop rock. Aucune reprise, Maddy et Rick signent les douze chansons, ensemble ou séparément. Ils ont réuni autour d'eux trois talentueux musiciens. Le claviériste Ritchie Close, qui avait joué sur le deuxième album solo de Maddy Changing Winds, est membre d'un groupe de jazz basé à Manchester, Both Hands Free. Rick avait produit leur premier album en 1976. Il décédera en 1991, à peine âgé de trente-neuf ans. Sa partie de piano sur Commit The Crime est tout simplement saisissante. Mick Dyche, le guitariste de la troupe, se trouve être le voisin du couple à Londres. Il vient tout juste de quitter Sniff'n' the Tears et accepte de suite la proposition d'intégrer ce nouveau projet. Sans ses guitares éclatantes tout au long du disque, en particulier sur Information Station, Face To Face, et Reduced Circumstances, Hooked On Winning n'aurait pas eu la même saveur. Un cancer l'a emporté en 2018, après une longue et riche carrière. Enfin, originaire d'Australie, Gary Wilson occupe le poste de batteur. Il est alors connu pour son album expérimental You Think You Really Know Me (1977). Sans être révolutionnaire, Hooked On Winning est un album agréable, bien maîtrisé, aux sonorités eighties avec quelques surprises très rock (Back Into Cabaret, Nothing But The Best) sur lequel sont abordées des questions sociétales contemporaines. Seul le titre final Anthem To Failure rappelle Steeleye Span. The Maddy Prior Band se transformera l'année suivante en Maddy Prior And The Answers pour Going For Glory.
Depuis 1981, Dead Can Dance n’a jamais cessé de surprendre, que ce soit sur le plan musical avec des albums qui se suivent, mais qui ne se ressemblent pas, ou sur le plan de ses retours inattendus. Pour notre plus grand bonheur, Dionysus, leur dernier opus en date, et premier concept album, n’échappe pas à cette règle. L'idée de ce disque est née suite à la lecture par Brendan Perry du controversé Naissance de la tragédie à partir de l'esprit de la musique de Nietzsche. Cet ouvrage avance la thèse que c'est à partir de la musique que la tragédie grecque antique prend sa source, mais, surtout, que les anciens dieux Apollon et Dionysos symbolisent chacun deux formes d'art antagonistes. Si le premier est synonyme d'ordre et de contrôle, le second invite à l'improvisation, à la liberté. Son culte qui remonte à 2800 ans, était à l'origine un culte agraire, célébrant la nature. D'où sa modernité et nécessité actuelle aux yeux de Brendan. La musique, plus que les voix à l'exception des chœurs en référence à la tragédie, se trouve au cœur de ce projet. Dans cette optique dionysiaque, tout devient musique y compris les bruits naturels samplés d'abeilles de Nouvelle-Zélande, d'oiseaux d'Amérique latine ou les cloches de ces troupeaux de chèvres traversant les cols suisses. Quant aux instruments d'essence folklorique, ils proviennent essentiellement du pourtour méditerranéen (Europe du Sud, Balkans, Anatolie, Afrique du Nord). Deux ans de travail ont été nécessaire à Brendan pour construire cette œuvre divisée en deux parties et sept mouvements. En retrait, Lisa Gerrard ne pose sa voix que sur quatre d'entre eux. Chacune de ses interventions est néanmoins pure magie. Proche du folk néo-païen des grecs Daemonia Nymphe, évoquant par certains aspects L'Apocalypse Des Animaux de Vangelis ou les Incantations de Mike Oldfield, Dionysus est avant tout une œuvre inclassable qui désoriente, surprend, mais n'en demeure pas moins lumineuse.
Avec son deuxième album Head Over Heels, Cocteau Twins délaisse ses habits post-punk de Garlands pour endosser ceux de la dream pop dont ils seront les hérauts. Suite au départ du bassiste historique Will Heggie, le trio écossais devient un duo s'articulant autour du couple Robin Guthrie - Elizabeth Fraser. A eux deux, ils posent les bases de ce son si particulier, à la fois ésotérique et éthéré, distinguant les Cocteau Twins de toutes les autres formations contemporaines. S'il est vrai qu'ils en sont encore au stade expérimental, à l'instar de la pochette réalisée par le studio 23 Envelope, le chant incantatoire d'Elizabeth au sens abstrait, ainsi que les guitares luxuriantes de Robin sont bien présents. Five Ten Fiftyfold agrémenté d'un saxophone crépusculaire, l'onirique Sugar Hiccup au refrain entêtant ainsi que le bouillonnant Musette And Drums sont autant de petites merveilles à la beauté froide. Sorti sur le mythique label 4AD, Head Over Heels est un incontournable de cette année 1983 au même titre que le fameux live Nocturne de Siouxsie & The Banshees, que le premier EP des Sisters Of Mercy The Reptile House, ou encore que le projet psychédélique de Robert Smith (The Cure) associé à Steve Severin (The Banshees), The Glove, et que le désormais classique Burning From The Inside de Bauhaus.
Avec le temps, les orphelins du poète Shelley sont devenus synonymes de rêverie insolite et élégante. Plus de trente ans après, leur deuxième album Century Flower n'a pas pris une ride. Il est vraiment plaisant de se replonger dans cet univers musical à part, audacieux et intemporel, comme l'est celui de Kate Bush ou des Cocteau Twins. Avec une habileté qui frise l'impertinence, Caroline Crawley et Jemaur Tayle enjolivent leurs paroles poétiques et romantiques d'ornements jazz, folk, de musique de chambre et de bien d'autres encore. Pas moins de dix-sept musiciens les entourent, instruments à vent et à cordes côtoient pour la première fois dans cette galaxie une discrète guitare électrique et une batterie jouée aussi bien par Charlie Morgan (Kate Bush, Sally Oldfield, Clannad) que Jim Russell (Curved Air, Gay & Terry Wood, Human Leagues). Si l'aspect acoustique et authentique de leur musique évoque leurs aînés Pentangle, on ne sera pas surpris d'entendre la contrebasse de Danny Thompson, ni la flûte de Tony Roberts. Admirablement produit par Dave Allen, connu pour son travail avec The Cure, Century Flower titillera l'oreille de Robert Smith qui invitera Shelleyan Orphan à se produire lors des premières parties de leur Disintegration Tour. Ainsi, Caroline rencontrera durant cette tournée celui qui deviendra son futur époux, le batteur Boris Williams. A un niveau plus francophone, le duo fait cette même année une brève apparition sur deux titres de l'album de Stephan Eicher, My Place lui aussi coproduit pas Dave Allen.
Direction la Croatie, à la rencontre de Dunja Knebl. Cette ancienne enseignante et traductrice, a vécu aux États-Unis, en Indonésie et en Russie. Elle n'est devenue chanteuse professionnelle qu'à partir de 1993, alors âgée de 47 ans. Dès lors, elle a enchaîné les albums, puisant dans le fonds folklorique de son petit pays, si riche sur le plan culturel. Ce qu'elle aime avant tout, c'est découvrir des chansons anciennes qui n'ont jamais été enregistrées jusqu'alors. Pour son dernier album en date, 33 Balade, elle a réuni toute une collection d'histoires sur trois disques, le plus souvent tragiques, en lien avec l'amour. Car, comme elle le constate, l'être humain est le seul être vivant à tuer par amour ou passion. La liste est longue de ces drames, crimes ou même guerres commis en leurs noms. Si on pense à Bob Dylan, Pentangle, Steeleye Span, Fairport Convention et plus tard Nick Cave, nombreux sont les artistes à s'être intéressés à ces ballades meurtrières qui, comme leur nom l'indique, finissent généralement mal. Dunja revisite celles de son pays, avec un minimum d'accompagnement. Elle joue de la guitare, de quelques percussions et de la kalimba et se fait accompagner sur certains titres à l'harmonium indien, au mellotron ou à l'okarina notamment. Ce côté épuré de la musique est voulu afin de donner une plus grande place à la narration, au cœur de son projet... sanglant. Fermez les yeux, il est grand temps d'entrer dans cet univers infernal, si terrifiant et si... humain.
1.01. Jelka je zaspala
1.02. Konjska konjarica
1.03. Sveča dogorijeva
1.04. Urodila šenica belica
1.05. Janica devojka
1.06. Ivanova ljuba
1.07. Bijeli grad i zmaj
1.08. Bogdanova ljuba
1.09. Zabranjeno grozdje
1.10. Kralj i devojka
1.11.0Majka i sinek
2.01. Potopljeni svatovi
2.02. Lepa Katalena
2.03. Đuro imal mladu lubu
2.04. Markec išel v taborec
2.05. Divojka i ranjeni junak
2.06. Đuro mlad mladenec
2.07. Banda zasvirala
2.08. Prodana ljuba
2.09. Na Dunajskem mostu
2.10. Junak i tri divojke
3.01. Ovčar ovce pase
3.02. Fran i Lijana
3.03. Na štacijonu vura toče
3.04. Pismo z Belovara
3.05. Nesreća u rudniku
3.06. Đuro među ljubama
3.07. Pitam tebe Maro
3.08. Dober večer Najnička
3.09. Zove Maro zove
3.10. Moj Đurinec vince toči
3.11. Šetal se je Niko mlad
3.12. Kad sam došel iz tabora
Ambassadrice des musiques traditionnelles serbes et balkaniques, la chanteuse Bilja Krstić revisite depuis 2001 le riche répertoire de ces régions accompagnée du Bistrik Orchestra. Zapisi, leur deuxième album fait suite à Bistrik. L'ensemble musical mêle habilement instruments traditionnels acoustiques (flûtes, duduk, violon, luth) et instruments modernes électriques (guitare, synthétiseurs). Si la région de Vranje située dans le sud de la Serbie est particulièrement mise à l'honneur pour ce disque avec trois chansons revisitées (Puče Puška Niz Goru Zelenu, Petlovi Pojev et Ne Goni Konja Mori Momic), d'autres proviennent de Bulgarie (Ergen Dedo) ou de Macédoine (Kozar: Zurli Trestat Na Sred Selo aux furieux rythmes électro, Jovano Jovanke). A travers le poème datant du XVe siècle Proseta Devet, Majko, Godini, un hommage discret est rendu au grand compositeur serbe Stevan Stojanović Mokranjac qui, au XIXe siècle, s'était confié comme mission d'introduire des éléments folkloriques dans l'art classique. Mais ce qui caractérise le mieux cet album enchanteur, c'est le chant passionné de Bilja faisant revivre avec force ces airs anciens, inspirés de la fascinante nature environnante ou évoquant les relations humaines dans toute leur complexité. Pas besoin de connaître la langue pour être habité par cette voix profonde et évocatrice qui donne le frisson. A sa sortie, Zapisi verra ses ventes amplifiées grâce au film Zona Zamfirova de Zdravko Šotra qui utilisera certaines chansons pour sa bande-son. Cette comédie dramatique à succès relate l'histoire d'une jeune fille de notables riches tombant amoureuse d'un homme de condition sociale plus modeste.
01. Puče Puška Niz Goru Zelenu
02. Gde Ima Voda Studena, Radule
03. Ergen Dedo
04. Splet: Oj, Moravo
05. Prošeta Devet, Majko, Godini
06. Kozar Zurli Treštat Na Sred Selo
07. Jovano Jovanke
08. Veliko Narodno Oro
09. Šargor Kolo
10. Petlovi Pojev
11. Ne Goni Konja Mori Momiče
Garden est le deuxième album de Pinknruby, duo singulier formé de la chanteuse slovène Mihaela Repina et du multi-instrumentiste, aussi chanteur, Paul Bradbury d'origine britannique. Tout commence en 1998, lors de leur rencontre. Au début, le groupe se cherche encore et s'oriente vers la dance music et l'electro. Puis, en 2002, ils opèrent un changement radical, privilégiant une musique à mi-chemin entre le Pentangle acoustique des années 60 et l'univers onirique des Cocteau Twins. Repérés par le label des fées Prikosnovénie, ils sortent un premier album prometteur en 2003, The Vas Astonishment. Garden lui fait suite, mêlant ambiances balkaniques et sonorités brésiliennes. L'évasion et la rêverie sont au rendez-vous dans cette musique intemporelle, à la fois lumineuse et douce. Chaque mot prononcé par Mihaela, chaque syllabe de cette langue imaginaire inventée, s'apparente à une caresse effleurant l'âme. Sur scène, les deux musiciens poursuivaient leurs expérimentations elfiques en se présentant dans d'étranges costumes, sortes d'anges déchus. Une belle expérience à une époque encore pleine d'espoir...
Au crépuscule des dieux, vinrent les déesses. Anahita était l'une d'elles. Inspirée par cette ancienne divinité perse des eaux, de la fécondité et de la sagesse, la cantatrice Ariana Vafadari a imaginé une fable philosophique, mêlant quête spirituelle et écologique. Son amie Leili Anvar, elle aussi d'origine iranienne, a écrit ce récit racontant l'histoire ancienne d'une jeune femme quittant son village asséché, traversant les déserts à la recherche de l'eau, source de toute vie. L'histoire est entrecoupée d'extraits de l'Avesta, livre sacré de la religion zoroastrienne, et se conclue par Le Chant De L'Eau, texte du célèbre poète perse Rumi (XIIIe siècle). Piano, oud, contrebasse et percussions célestes sur Tchak Tchak, accompagnent sobrement le chant incandescent d'Ariana. Telle une prêtresse d'un autre temps, elle nous conte cette œuvre mystique, avec la même intensité, la même passion que Loreena McKennitt, Lisa Gerrard ou Azam Ali. Son pouvoir est tel qu'il nous transporte en un instant dans une nouvelle dimension faite d'émotion, de mélancolie, et surtout de beauté, d'une beauté pure comme du diamant. Impossible de ne pas se laisser envoûter par cet album hors du temps, destiné à ceux qui aiment la vraie musique, celle touchée par la grâce.
Quatrième et dernier album de ce duo américain atypique, cousins éloignés de Dead Can Dance. Greg Ellis, percussionniste prodigieux, et la chanteuse Azam Ali à la voix fascinante, jouent ensemble depuis 1995. Née en Iran puis ayant grandi en Inde, Azam porte en elle tout un pan de ces cultures orientales faites de mystères. Ensemble, ils se sont intéressés à la musique celtique, balkanique et de l'Occident médiéval. Feast Of Silence est l'aboutissement de ce cheminement à la fois intellectuel et musical. Afin d'élargir leur spectre sonore déjà conséquent, ils ont fait appel à quelques musiciens invités comme Deepak Ram (bansuri), Naser Musa (oud) ou Cameron Stone (violoncelle), présent sur l'album précédent, In The Garden Of Souls. Greg, toujours aussi soucieux du détail, déploie pas moins de vingt instruments à percussions, empruntés aux cinq continents. Pour la première fois, Azam n'utilise pas son propre dialecte, mais s'autorise à chanter en anglais. Avec pudeur, elle évoque dans la chanson titre la disparition de sa mère, la fin de sa relation avec Greg, et son retour dans son Iran natal qu'elle avait quitté à l'âge de quatre ans. Elle qui considère que chanter et prier sont une seule et même chose, transmet son énergie mystique par sa seule voix, ondée sacrée offrant de merveilleux moments de recueillements.
01. Amrita (Churning The Sea Of Milk)
02. In Our Faith
03. Mandara
04. Izgrejala
05. Moksha
06. The Reaper And The Flowers
07. Bardo
08. Feast Of Silence
09. Kali Basa